JE ME SOUVIENS Histoires singulières de SOS Médecins

UNE CHAMBRE SI SOMBRE

Dr Philippe Nin, Paris

24 ans de SOS Médecins

Les drames, il faut aller les chercher quand ils se cachent dans l’obscurité des chambres sous les toits des appartements et quand bien même la vie, à côté, ne s’arrête pas pour les regarder. J’avais été appelé pour une fièvre. Je me souviens que je me sentis seul au chevet de cette jeune mère sans personne qui vint me guider. Je me souviens de l’indifférence de la nourrice qui vaquait à ses occupations dans ce salon baigné de lumière et de cet enfant qui jouait, insouciant.

Il faisait si sombre dans cette chambre aux volets clos que je la distinguais à peine, allongée sur son lit, la jeune mère, tout juste son regard qui fixait le plafond sans jamais me répondre. Était-ce ma présence qui l’importunait ? Et ce visage maculé de taches sombres, avait-il toujours été son visage ?

Puis, ce fut ce silence qui, à mesure que mes pupilles se dilataient et que ces taches s’étalaient dans mon esprit, se fit si pressant que le drame m’apparut comme une évidence. Je la secouai, tentai de la faire réagir, rien, et lorsque d’un seul coup je soulevai le drap comme si dessous s’était glissée la mort, je la vis recouverte de ces taches qui la ravageaient. C’était il y a 20 ans. Un purpura fulminans. Aujourd’hui encore, je repense à cet enfant qui jouait et à sa chance. Sa mère fut réanimée, difficilement, mais les secours étaient arrivés juste à temps.

« C'était il y a 20 ans. Un purpura fulminans »