Dr Éric Attali
16 ans de SOS Médecins
« Docteur, il faut que vous veniez, ma fille devient verte. »
J’ai toujours été à l’écoute des mots, des mots que l’on m’a enseignés, des mots des gens. Ils disent la vérité. Une mère dit toujours la vérité. À part de colère, jamais je n’avais entendu dire de quelqu’un qu’il devenait « vert ». Et si la mère avait dit « vert », c’est qu’il se passait quelque chose que j’étais incapable de comprendre.
Je lui trouvai une mine fatiguée, mais elle me parut plutôt normale cette enfant de 3 mois, quelques signes bronchiques, rien de plus. « C’est seulement lorsqu’elle se met à tousser qu’elle devient verte. » J’attendis. De longues minutes. Lorsque la toux lui prit, son visage asphyxié vira au bleu gris ; qui, sur sa peau mate, lui donnait le teint verdâtre. Vite aux urgences. Je ne pensai à rien d’autre, qu’à quelque chose de grave, mais qui m’était étranger.
« Quelque chose de grave qui m’était étranger »
« Merci Docteur, merci car grâce à vous j’ai pu vivre six mois de plus avec le bébé que j’ai porté. » Une lettre quelques jours après son décès, six mois de réanimation et de multiples chirurgies. Elle avait l’estomac à la place des poumons et maintes malformations, un syndrome du cimeterre, que n’avait décelé aucun médecin. C’était un miracle, elle n’aurait jamais dû naître. Et sa mère, jour et nuit à son chevet, de tout temps dans l’acceptation, fut un miracle d’amour et d’abnégation.
« Un miracle d’amour et d’abnégation »