JE ME SOUVIENS Histoires singulières de SOS Médecins

« Je… je comprends que vous ressentiez une gêne. Vous avez… comment dire… une toute petite bête coincée dans l’oreille… » Elle s’affole. « Mais, n’ayez pas peur… On va… on va la noyer ! » « Dans la salle de bains ! Installez-vous là sur le bord de la baignoire ! On va l’avoir ! » Une seringue remplie d’eau, je pompe, j’injecte. Elle est trempée, s’agite : « Aïe !!! Ça me gêne encore plus ! » Je dégaine mon otoscope. Désastre. La créature se dandine, ragaillardie par l’eau. « Pas de panique ! On va l’endormir à l’éther ! » Et je pulvérise, je pulvérise, je vais la pulvériser, mais... Catastrophe. La patiente shootée suffoque et le monstre dopé me défie derrière la loupe. Elle hurle.

« Elle va pas partir ! Elle va pas partir !!! » « Ne bougez pas, ne bougez pas ! On va… on va l’aspirer ! » Je fais venir un ambulancier équipé de matériel à aspiration et nous aspirons, nous aspirons, mais… Défaite. La patiente tournoie, hoquette, se retient de vomir tandis que, lui, tonitruant me rit au nez derrière sa vitre. Elle, à bout, devient hystérique. « Arrêtez ! Laissez-moi tranquille !! Laissez-moi tranquille !!! » Désarroi… Elle m’apparaît au pied de la baignoire, hagarde, ruisselante, fiévreuse ; ses yeux de terreur braqués sur moi. Je réalise : c’est d’elle dont je vais venir à bout ; pas du cancrelat. Je finirai par l’emmener aux urgences, mais la bête était si profondément ancrée dans le conduit qu’elle dut être extraite au bloc opératoire.